Naxos - Ghost World V from Jerome Boulbes on Vimeo.

Un film de luvan et Jérôme Boulbès.
Danse : Haruna Mori.

Sur une île de Méditerranée, une silhouette sombre navigue entre ombres et stèles. Guidée par une litanie poétique, elle doute de la verticalité, de son existence, et descend vers l’Ombre sous l’Ombre, où tout se résout. La réponse se trouve dans le monde sous le monde, le soi à l’intérieur de soi. Une hypnothérapie visuelle.

Un film de la série Ghost World.

Texte français :
(English below)

Je reviens.
Sous l’eau, à l’ombre des falaises, dans le noir placide et oblong des coques, à l’abris inversé des algues, à la respiration lente des méduses sans yeux, on nage.
Je reviens mais j’ai peur.
J’ai été heureuse ici. J’ai été malheureuse.
Il existe un monde sous le monde, une ombre où se délassent les poissons et auquel le marc luimême ne permet pas d’accéder,
Il existe des yeux par milliers, dont les paupières se closent lorsqu’on les observe, des milliers d’yeux interdits de voir l’ombre, habitués au calme des horizons. Il existe une ombre derrière l’ombre, un pallier sombre où tout descend vers l’ombre, où rien ne
monte, en dépit des poignets, des escalades et des grimpées, en dépit des genoux écorchés, des éblouissements, du tertre blanc, épais, de nos ancêtres, cairns de placenta d’ombre.
...Celles et ceux qui n’y descendent jamais, celles et ceux qui ne franchissent pas ce pallier fait d’ombre dans l’ombre, ne peuvent pas deviner à quel point l’ombre, sous l’ombre, se fabrique encore d’ombre, de matière ignée, de magmas poudreux, de tout ce qui reste de la cendre
...Il y a un monde d’ombre sous l’ombre fait d’espoirs altérés, de flaques lisses, de bambous grillés, de pierres à fusil, de taches d’huile et d’inaboutis.
Rien ne te stoppe si tu penses aux êtres sombres qui baignent dans l’acouphène de la mer sous la mer, plongée verticale au goût de poix, à la saveur d’algue.
Rien ne te protège plus du monde dans l’ombre, si tu entends ces mots : « il y a, parfois, souvent, une chatte debout, et à l’envers, lorsqu’on tourne la tête vers le creux du monde, en dessous, à revers, existe une chatte d’ombre et c’est là, dans cette ombre nuée, brumisée, tendre, que tu dois t’essouffler, compter, ratisser, c’est dans l’ombre couchée de la chatte à l’envers que tu dois
t’affairer, Arachné, rapière sans fourreau, sans percée, sans trouée, c’est là, claire comme le métal, dure comme le métal, que tu dois commencer d’exister, ombre dans l’ombre et clarté sous clarté, la même, la seule, la nouvelle nouvelle-née, la tendre comme glaise, la molle comme craie, la dure comme le rocher, la perlée, la sous-nageuse, la très pâle à la chair de murène.
...Tu dois entrer dans la lapée noire des fourmis, où lactate la chatte debout plissée froissée, où tète le reste du monde d’en haut, l’ombre délicate des fourmis tressées, les nattes sombres des femmes couchées et toi, parmi elles, innée comme la pluie, l’éboulis sombre de l’ombre sous l’ombre, où rien n’arrive masqué, où tout arrive par l’eau.

(English)

I return.
Underwater, under the shade of cliffs, in the placid blackness of lulled hulls, in the upside-down shelter of algae, in the slow breathing of eyeless jellyfish, we swim.
I return, but in fear.
I was joyful here. Sad.
There is an underworld, a shadow that soothes the fish, unreadable, even through dregs.
Eyes, thousands of them, lids closing when you look at them, thousands of eyes deprived of shadow, used at the quiet horizons.
There is a shade beneath the shade, a dark plane where everything darkens, where nothing ascends, in spite of swells and scales and surges, in spite of scratched knees and shimmers, a thick, white, ancestral mound, caïrns made of placenta made of dark.
Those who never plunge, Those who never cross that plane of murk on murk cannot guess how much darkness, beneath darkness, is crafted from even more darkness, fiery matter, dusty magmas, all that remains from ashes.
There is a world of shade beneath shade, made of altered hopes, smooth puddles, grilled bamboos, gun flints, oil spatters and incompletions.
Nothing halts you if you consider the dark beings bathing in the undersea’s tinnitus, vertical drop with a tang of tar, a zing of algae.
Nothing shields you from the world in the shade.

Sometimes, often, stands a cat, and upside down if you bend towards the sunken earth beneath, verso, is a cat made of shade and there, in that clouded, sprayed, tender shade there, you must pant and count and rake,
There, in the flat shade of the upside-down cat queen, you must labor, Arachne, pierceless, dentless, sheathless rapier.
There, clear as metal, hard as metal, you must start to exist, shade on shade and glow beneath glow, the same, the only, the new new-born, you, frail as clay, limp as chalk, you, hard as rock, the beaded, the underswimmer, the eel-fleshed, the pale one.
You must enter the black lap of ants, where the crinkled standing cat suckles where the rest of the overworld sucks, the frail shade of braided ants, the dark plait of resting women and you, among them, inborn as rain, darkened cree of shade beneath shade, where nothing comes hidden, all comes through water.

--- Sounds from freesound.org :
"Greece Waves Distant Beach Crickets Cicades" by Profispiesser
freesound.org/people/Profispiesser/sounds/550929/

"WaveMurmur" by melliug
freesound.org/people/melliug/sounds/245837/

"Ambience, Seaside Waves, Close, A.wav" by InspectorJ (jshaw.co.uk)
freesound.org/people/InspectorJ/sounds/400632/

"Cicada" by 14all41
freesound.org/people/14all41/sounds/69236/

"humpback whale song" by Mbari_mars
freesound.org/people/MBARI_MARS/sounds/448984/

Son additionnels : luvan